PEUT-ON RÉELLEMENT ÉVALUER LA FORMATION ?

Définir les bons objectifs pour ne pas se tromper de cible

Comment mesurer l’impact de la formation sur le travail ?

Comment s’assurer que les comportements changeront ?

Comment calculer le retour sur investissement ?

En réponse à ces questions, que toute entreprise se pose régulièrement, des experts ont inventé des outils d’évaluation qui vont du simple questionnaire à l’usine à gaz aussi couteuse que la formation elle même.

Une récente méthode d’évaluation, réputée pour être la plus complète, est celle inventée par Donald et James Kirkpatrick qui suggèrent 4 niveaux d’évaluation :

  1. Réactions : les participants sont-ils satisfaits de la formation dispensée ? Ont-ils pris du plaisir à la suivre ? Y ont-ils vu un intérêt ?
  2. Apprentissages : qu’ont appris les participants au cours de la formation
  3. Comportements : la formation a-t-elle modifié les comportements au travail des collaborateurs formés ?
  4. Résultats : Quel est l’impact de la formation sur les résultats ?

Mais quand on regarde de près le contenu de la phase 4 on se rend compte que les quelques indicateurs pertinents sont tous totalement subjectifs, ce qui rend la méthode contestable et le sujet de l’évaluation encore plus controversé !
L’apprentissage est un ingrédient indispensable pour la réussite d’un bon nombre de projets d’entreprise, mais une viande de premier choix n’est pas forcément une garantie de réussite d’un pot au feu.

Prenons l’exemple des formations pour commerciaux : peut-on mesurer objectivement l’impact de la formation sur le chiffre d’affaires ? Il est évident que des commerciaux compétents peuvent vendre plus mais, en aucun cas, le formateur ne peut apporter les moyens, ni l’envie, de pratiquer sur le terrain ce que les commerciaux apprennent en salle de formation.

Malgré l’intérêt des apports des spécialistes de l’évaluation, personne n’est encore en mesure d’isoler le savoir-faire pour mesurer sa réelle contribution aux résultats. Jonathan Pottiez, auteur du dernier livre et français sur le sujet (L’évaluation de la formation, Dunod, 2013), nous confirme ce malheureux constat :

“ Il n’y a pas d’indicateur magique au niveau 4, pas plus qu’il n’y a besoin de créer des indicateurs autres que ceux déjà disponibles. Tout se joue en amont de la formation avec les commanditaires qui seront les seuls à pouvoir déterminer quels indicateurs de résultats pourront leur démontrer que la formation a répondu ou non à leurs attentes. ”

C’est donc au niveau de la conception de la formation qu’il est possible de définir en quoi les nouveaux acquis doivent contribuer aux projets opérationnels.

ÉVALUER LA FORMATION, MAIS QUE PEUT-ON MESURER ?

L’objectif initial d’une formation est généralement exprimé par un décideur pour qui la formation est un moyen de changer quelque chose. Généralement assez éloigné de  la démarche pédagogique, cet objectif est atteint la plupart du temps par différents moyens, dont la formation fait partie.

Dans l’exemple de la formation pour commerciaux, si l’objectif de l’entreprise est : “assurer l’augmentation du CA grâce à la mise sur le marché d’un nouveau produit”, pour atteindre cet objectif, plusieurs moyens seront sans doute mis en œuvre : lancer une campagne de pub, définir une politique tarifaire adaptée, faire une étude sur la concurrence, motiver les vendeurs à promouvoir un produit inconnu et, bien sûr, former l’ensemble des forces de vente.

L’objectif de cette formation pourrait être énoncé ainsi : “apporter à nos commerciaux les savoir-faire nécessaires au lancement du produit XY”.
Il s’agit là d’un objectif qui va structurer le cahier des charges de la formation, et qui est donné comme point de départ d’un processus d’ingénierie. Le travail qui suit consiste à structurer la progression de la formation en énonçant une liste d’objectifs pédagogiques qui, combinés ou se succédant, permettront d’atteindre l’objectif de la formation.

La définition d’objectifs pédagogiques est le seul moyen pour :

  • se mettre d’accord avec le commanditaire de la formation sur des termes concrets et plus opérationnels qu’un simple programme,
  • faciliter la mise en place d’une pédagogie centrée sur l’apprenant, en imaginant des activités permettant d’atteindre les objectifs,
  • faciliter l’animation du stage en se référant aux objectifs ;
  • mieux impliquer les apprenants (sachant d’avance avec précision ce qui lui est demandé, l’apprenant s’impliquera plus facilement dans l’apprentissage).

COMMENT FORMULER DES OBJECTIFS PÉDAGOGIQUES ?

Souvent confondus avec les objectifs de la formation, les objectifs pédagogiques ne sont pas évidents à formuler. Ils doivent être énoncés de la manière suivante : “ À l’issue de la formation, l’apprenant sera capable de … ” suivi d’un verbe d’action.

Dans notre exemple, l’objectif de la formation  “apporter à nos commerciaux les savoir-faire nécessaires au lancement du produit XY”, pourrait se décliner en objectifs pédagogiques de la manière suivante :
– Décrire les 12 caractéristiques clé du produit XY à partir d’une maquette.
– Montrer son aisance à questionner le client sur ses besoins, dans des mises en situation.
– Faire une corrélation entre les besoins du client et les avantages du produit.
– Etc…

Pour avoir un caractère opérationnel, la formulation d’objectifs pédagogiques doit respecter plusieurs exigences : la capacité que doit atteindre l’apprenant doit être décrite avec précision ; elle doit se manifester par un comportement observable et mesurable ; le contexte de sa mise en œuvre doit être précisé.

Par exemple :

  • à éviter : “ l’apprenant devra connaître les caractéristiques du produit XY et les bénéfices que les produits apportent au client ” (la connaissance n’est pas quelque chose d’observable en tant que telle).
  • à préférer : “ à partir de la fiche produit, l’apprenant devra être capable de décrire les 12 caractéristiques et expliquer les bénéfices qu’elles apportent au client ” (il est possible de prouver, et dans quelle mesure, qu’une personne est capable de décrire quelque chose).

Un objectif pédagogique formulé correctement débouche directement sur la définition des modalités de son évaluation. Dans l’exemple ci-dessus, organiser l’évaluation consistera à : fournir à l’apprenant la fiche produit, lui demander de décrire caractéristiques et bénéfices du produit.

DES OUTILS POUR VOUS AIDER

La célèbre taxonomie de Bloom est un outil d’aide à la définition des objectifs pédagogiques. C’est une grille d’analyse décomposée en 6 habilités cognitives, déclinée en 80 verbes d’action. La taxonomie est proposée comme une aide aux formateurs pour formuler des questions permettant de situer le niveau de compréhension des apprenants.

Plus récemment, d’autres auteurs ont développé des grilles d’analyse qui permettent de formuler clairement des objectifs pédagogiques. A ce titre, nous vous suggérons la lecture du livre « 20 formules pédagogiques » édité par les Presses de l’Université du Québec.