Qu‘est-ce qu’en réalité le Rapid Learning ?

Attention au jargon !

rapid learning

Comme la plupart des spécialistes, les pédagogues aiment jargonner, et lorsqu’il s’agit de nouvelles technologies, ils utilisent fréquemment des termes importés d’Outre-Atlantique, probablement parce qu’en deux mots anglais il est possible d’exprimer une idée que dans notre langue se traduirait en une phrase de trois lignes.
Malgré les efforts des experts pour expliquer clairement le sens des mots, nos habitudes à la lecture rapide (ou plutôt la lecture en diagonale), renforcées par le phénomène du téléphone arabe et par les fake news sur internet, sont parfois sources de confusion et d’interprétations erronées.

Carlo BIANCHI – Consultant en Ingénierie Pédagogique

QUAND LE JARGON EST SOURCE DE CONFUSION

Un exemple de jargonisation désormais comprise de tous (ou presque tous) est l’expression « Blended Learning », qui exprime le modèle d’apprentissage intégrant plusieurs modalités :

  • à distance + présentiel
  • individuel + collectif
  • synchrone (avec le formateur) + asynchrone (en autonomie)

La traduction officielle en français de Blended Learning est « Formation Multimodale » et aujourd’hui tout le monde sait, qu’en formation, les mots multimodal et blended sont des synonymes.
Mais comme le mot multimodal n’est pas assez branché, les auteurs des best-sellers de la formation ont inventé d’autres termes pour dire la même chose, comme « Apprentissage Mixte » ou « Formation Hybride ». Donc, quatre différents termes pour exprimer une seule et même idée ! Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ?
À chaque arrivée de nouveaux mots ou expressions étrangères, la volonté obsessionnelle de vouloir les traduire dans sa propre langue et les adapter à la culture locale, peut créer des malentendus sémantiques ; c’est le cas aujourd’hui de l’expression Rapid-Learning.

QU’EN PENSENT LES NON INITIÉS ?

En animant des parcours de formations de formateur en entreprise et auprès de centres de formation, je me suis amusé à faire une enquête sur la manière dont les apprenants interprètent l’expression Rapid-Learning.
La plupart d’entre eux, d’après la traduction littérale : rapid learning = apprentissage rapide, pensent qu’il s’agit d’un stratagème pour apprendre plus vite.
D’autres, soutiennent avec vigueur que le Rapid-Learning est un module e-learning de la durée de moins de 10 minutes, puisqu’ils ont lu le dernier livre d’un auteur qu’il n’est pas nécessaire de citer ici.
Seulement quelques participants, bien informés, ont expliqué que le Rapid-Learning est un principe de « conception rapide » de modules e-learning, à partir de supports déjà existants sous la forme de diapositives Power Point.

LE RAPID-LEARNING 

À l’origine le Rapid-Learning s’appelait « Rapid eLearning Development », mais la tendance à rechercher des diminutifs et des raccourcis, a provoqué la distorsion du sens d’une idée pourtant très claire.
Finalement, grâce au Rapid-Learning ce n’est pas l’apprenant qui gagne du temps en apprenant plus vite (ceux qui savent comment les humains apprennent ne pourraient pas s’imaginer une telle idée !), mais c’est plutôt le concepteur de formation qui gagne du temps en produisant rapidement des modules e-learning, répondant aux normes standard (1), en utilisant des logiciels spécifiques (Ispring, Articulate, Captivate…).
Nous sommes ici très loin d’un simple problème de vocabulaire et de définition. Il s’agit plutôt d’un « choc de langage », concept expliqué par Jean-Marie Albertini dans son article paru en mars 1980 de la revue Éducation Permanente : « …Chaque individu, à partir de son expérience, de son vécu familial, professionnel, culturel, se constitue une grille d’analyse de la réalité dans laquelle il vit. Elle lui permet de comprendre le monde qui l’entoure, de classer et d’utiliser les informations qu’il reçoit. Ces représentations sont donc les modalités centrales du fonctionnement de la connaissance… »

Pour ce chercheur, nos expériences nous amènent à apprendre et à comprendre beaucoup de choses, parfois très complexes. Ces acquis contribuent à la construction de notre propre savoir et la manière d’interpréter les évènements (ce qu’on appelle aussi des « représentations mentales »).
Si les mêmes évènements nous sont expliqués avec des mots différents, voire en contradiction avec notre grille de lecture, le choc de langage apparait, provoquant ainsi une distorsion du message et d’évidentes misinterprétations.


(1)Normes standard de conception de modules e-learning qui rendent possible la communication entre les contenus des modules et les plateformes LMS (Learning Management System).  Elles garantissent que, quel que soit l’outil de conception d’e-learning ou le LMS que vous utilisez, les informations pourront toujours circuler entre les deux, tant que les deux utilisent la même norme.

UN EXEMPLE

Télécharger l’article en PDF pour voir un exemple de module e-learning réalisé avec le logiciel Adobe Captivate.

EN CONCLUSION

Le Rapid-Learning est un moyen de conception de modules e-learning très simple et peu onereux, cependant, il porte assez mal son nom.
Fallait-il plutôt l’appeler « Rapid Design » ??