
Stop aux neuromythes !
Ce que les neurosciences disent vraiment (et ce qu’on leur fait dire à tort)
Par Carlo BIANCHI : Consultant en Ingénierie Pédagogique & Concepteur de Jeux de Formation
d’après le Hors série n°7-2025 de la revue Science & Cerveau.
Les neurosciences fascinent, éclairent, mais parfois… elles sont caricaturées comme un mauvais film hollywoodien : effets spéciaux sans scénario scientifique. Faisons le tri entre les faits avérés et les clichés.
Les neurosciences, discipline en plein essor, ont permis des avancées majeures dans la compréhension du fonctionnement du cerveau. Elles ouvrent de nouvelles perspectives pour le traitement des maladies mentales et neurodégénératives.
Cet engouement scientifique a rapidement gagné le grand public, mais aussi entraîné une vague de simplifications et de malentendus. De nombreux clichés persistent : opposition cerveau gauche/cerveau droit, différences “innées” entre cerveaux masculins et féminins, rôle exagéré de la dopamine… Ces neuromythes, souvent relayés par les médias, nuisent à la compréhension des véritables apports des sciences cognitives. Pour y voir plus clair, il est essentiel de distinguer les faits établis des idées reçues. Développer une culture scientifique rigoureuse permet de mieux comprendre le cerveau… sans tomber dans les pièges du sensationnalisme.
Cerveau d’homme, cerveau de femme
Ce que dit la recherche :
- Les chromosomes sexuels (X et Y) influencent certaines structures cérébrales. Exemple : le chromosome X contient bien plus de gènes liés aux fonctions cognitives que le Y.
- Les hormones (comme les œstrogènes) modulent l’architecture cérébrale, influençant notamment la mémoire et l’émotion.
- Mais… la plasticité cérébrale bat les gènes à plate couture : le cerveau se modèle en fonction de l’environnement, de l’expérience, de l’éducation.
Exemple marquant :
Les cerveaux de pianistes professionnels (hommes et femmes) présentent les mêmes adaptations, liées à la pratique musicale, pas au sexe.
Une étude IRM (PNAS, 2023) révèle que sans les pays les plus sexistes, certaines zones du cerveau des femmes sont plus fines, probablement à cause du stress chronique et des inégalités d’accès à l’éducation. Dans les pays plus égalitaires, ces différences disparaissent.
Conclusion :
Les différences observées entre cerveaux masculins et féminins sont souvent des conséquences sociales, pas des causes naturelles.
Les intelligences multiples
Dans les années 80…
- Howard Gardner distingue 8 types d’intelligence : musicale, logico-mathématique, corporelle, interpersonnelle, etc.
- Objectif : valoriser la diversité cognitive.
Ce qui a mal tourné :
- Des enseignants mal formés ont figé les élèves dans des “profils”.
- Aucune preuve robuste que ces intelligences soient neurobiologiquement distinctes.
- Gardner lui-même alerte aujourd’hui contre ces dérives pédagogiques.
Ce que disent les neuroscientifiques :
- L’intelligence est un réseau intégré, pas un jeu de 8 cases à cocher.
- Mieux vaut travailler sur la motivation, les stratégies d’apprentissage et la plasticité cognitive.
Styles d’apprentissage
Le mythe :
« Moi je suis visuel, mon collègue est kinesthésique. » C’est pratique, ça donne un air expert. Dommage que ce soit faux.
Ce que dit la science :
- Adapter l’enseignement à un soit disant style sensoriel auto-déclaré n’améliore en rien les performances.
- Cela limite l’exposition à d’autres modalités, pourtant nécessaires.
Ce qui compte :
- La nature du contenu détermine la méthode :
- une carte pour la géographie (visuel),
- des dialogues pour les langues (auditif),
- des manipulations pour la physique (kinesthésique).
- Le cerveau apprend mieux en combinant les approches.
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Exemples
Conseils pratiques
Vieillir = tout oublier
Le mythe :
- Plus on vieillit, plus on devient amnésique.
Ce que dit la science :
- Le cerveau ne s’éteint pas avec l’âge, il se transforme. Certaines formes de mémoire, comme la mémoire sémantique ou procédurale, se renforcent.
- La mémoire épisodique (les souvenirs personnels) reste globalement stable, même si elle perd un peu de précision.
- Les pertes de mémoire ne sont ni systématiques, ni catastrophiques : trier ses souvenirs, c’est faire de la place pour les nouveaux apprentissages.
À retenir :
- Ce n’est pas la capacité d’apprendre qui diminue, mais la vitesse de récupération des infos.
- Oublier n’est pas un bug, c’est une fonction ! C’est ce qui empêche votre cerveau de devenir un fourre-tout façon boîte mail non triée depuis 2006.
Conclusion : Pensons mieux, pas plus simple
Les neurosciences n’expliquent pas tout, mais elles nous aident à mieux comprendre les véritables leviers de l’apprentissage. Encore faut-il ne pas simplifier à outrance :
À faire :
- Douter des grandes théories « évidentes ».
- Croiser les approches.
- S’appuyer sur des faits rigoureux, pas sur des citations Pinterest.
À éviter :
- Réduire un apprenant à son “type”.
- Prétendre qu’une dose de dopamine ou un test IRM peut tout expliquer.
- Utiliser les neurosciences comme une baguette magique… surtout quand on a oublié de lire l’article scientifique.